Les réflexions abondent sur les différents rôles que doit tenir un dirigeant et avec lui beaucoup de managers. On sait ainsi qu’il se doit d’être stratège, de définir et de porter la vision, de donner le sens, la direction. On le devine aussi organisateur, capable de décliner la vision en projets, missions, puis en tâches élémentaires, et pour finir d’élaborer des process permettant de coordonner l’ensemble. Il est gestionnaire par principe s’il dirige un centre de profit, garant de sa rentabilité, arbitre de ses investissements et gardien sourcilleux de ses coûts. Enfin, il lui est demandé d’être l’animateur de son équipe, celui qui la constitue, qui lui donne une âme et qui contribue à la motivation de chacun et de tous à la fois.
C’est précisément ce dernier rôle que notre expérience de consultant, formateur et coach nous amène à questionner. Parce que précisément, il est tentant d’assimiler la motivation de l’équipe et la motivation de chacun dans l’équipe. A tort. Parce que l’on peut être animateur sans être un mentor. Et inversement.
Tout d’abord, passons sur le mythe du manager-héros, celui qui serait à la fois « super stratège », « super organisateur », « super gestionnaire » et « super animateur ». Parce que personne ne l’a jamais rencontré et que tout le monde devine qu’il n’existe pas, même s’il convient d’ignorer cette évidence avec persistance dans les recrutements, les formations, les évaluations, les promotions, … Ce mythe repose du reste sur l’idée du manager tout puissant et par conséquent sans faiblesse, capable de réaliser l’ensemble des missions qui lui sont dévolues. Cela confine à l’absurde, puisque s’il a la charge d’une équipe, c’est précisément pour être assisté dans ses différentes tâches.
Peut-être la puissance du mythe explique t ’elle d’ailleurs pour partie que l’on n’entre pas plus avant, concrètement, dans la réalité de ce rôle d’animateur d’équipe. In fine pourtant, le manager sera tenu pour responsable des résultats de l’équipe, prise dans sa globalité, et non de ses propres performances individuelles.
En théorie, on peut imaginer un super manager, qui ne soit ni stratège, ni organisateur, ni gestionnaire, mais qui s’appuie avec talent sur ces compétences présentes dans son équipe. Voilà qui pourrait définir sans nul doute un bon animateur.
Mais précisément, à quoi reconnait-on un bon animateur ?
En première analyse, on voit celui qui pense le groupe dans son ensemble, qui est attentif à la cohésion de son équipe, qui pense que le groupe est plus que la somme des individus qui le composent, qui va « sentir » l’ambiance, s’attacher à célébrer les victoires collectives et s’assurer, tel le border collie, qu’aucun « mouton » ne reste en dehors du groupe. Parce qu’il sait que l’appartenance à un groupe est déterminante dans la motivation d’un individu, et que la réussite collective est une formidable source d’implication et de dépassement. Assurément.
Mais cela ne rend pas compte de toute la dimension communément appelée « managériale ». Ainsi, comment nommer ce rôle qui consiste à s’intéresser à chaque membre du groupe pris isolément, de cette capacité à individualiser les relations avec chacun ? Que dire de celui dont la motivation même, tel Pygmalion, consiste à faire découvrir à chacun ce qu’il a de meilleur en lui, à cultiver ses talents et à le faire progresser. Celui-là s’intéresse de près à la façon dont son groupe est composé ; il agit en directeur de casting, cherche la complémentarité des talents, et affecte les missions en fonction de ces talents et non plus uniquement sur des compétences certifiées. Il exploite toutes les situations, et notamment les entretiens individuels, pour identifier ces talents et être à l’écoute des besoins de ses collaborateurs. Il sait que si chacun a besoin de reconnaissance, tous ne sont pas sensibles à la même reconnaissance. C’est un coach, un mentor.
Evidemment, le bon animateur au sens commun du terme est celui qui possède ces deux dimensions : animateur du groupe ET mentor ; un « ani-mentor » en quelque sorte. Cela existe. Mais ces deux dimensions ne vont pas nécessairement de pair. Parce que l’une s’intéresse au collectif, et l’autre aux individualités. Parce qu’elles ne se traduisent pas par les mêmes comportements : quand l’un agit face au groupe, l’autre privilégie les relations bilatérales. Parce qu’elles ne s’appuient pas sur les mêmes talents : connexion, harmonie, inclusion, pour l’un ; individualisation, empathie, développeur, pour l’autre.
Et de même que l’on n’est pas nécessairement bon stratège et bon gestionnaire, bon organisateur et bon animateur, on n’est pas obligatoirement bon animateur et bon coach.
Alors, quel manager d’équipe êtes-vous ?
Jacques BOURDONNAIS
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