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Dans l’article paru dans notre newsletter de novembre 2020, Nathalie SIBRE et Gwénaëlle JONCOUR s’intéressent aux spécificités du management à distance et insistent sur l’importance de la confiance ; de la confiance du manager envers ses collaborateurs. Il est vrai que cette confiance est déterminante et particulièrement dans le cas du télétravail, puisque, par définition, le manager n’est pas sur le même lieu que le managé pour contrôler la bonne exécution des tâches.

La question de la confiance est centrale dans le management et aussi ancienne que le management lui-même. Elle explique à elle seule les échecs récurrents de la délégation.  Et elle est souvent mal posée.

Pour reprendre le thème de la délégation, une difficulté souvent mise en avant par les managers consiste à pointer le temps nécessaire aux explications pour obtenir finalement un résultat moins satisfaisant que si on l’avait fait soi-même. Ce qui est en cause ici concerne donc l’absence de confiance en la qualité de l’exécution. Qui se double souvent, et encore plus en cas de télétravail, d’absence de confiance en la quantité (et/ou productivité) du travail. C’est le ressenti déclaré par nombre de dirigeants et managers. Curieusement, le ressenti est différent lorsque l’on interroge les « bénéficiaires » de cette délégation ou les opérateurs de ce télétravail. Là, il est souvent question d’hyper-contrôle, de transfert de stress, voire de harcèlement… à distance.

Alors, faire confiance, oui, mais comment ?

Puisqu’il « suffit » de faire confiance, comment se fait-il que si peu y parviennent ? Qu’y a-t-il de plus simple que de demander à quelqu’un d’effectuer une tâche, de lui donner des objectifs précis, suivant les cas, de méthode, de qualité, d’échéance, … ?

Formulation naïve bien sûr, tant tous ceux qui sont confrontés à cette situation savent qu’il n’est jamais aussi simple qu’il y parait de formuler clairement des objectifs de qualité, de méthode, de timing, …

Mais cette difficulté n’explique pas le stress induit par la délégation : cette tentation permanente (ce besoin parfois) de contrôler l’exécution à chaque phase du processus, de s’assurer du respect des consignes pour parfois les changer, cette insatisfaction chronique quant au résultat.

Ce que cette attitude traduit est moins l’absence de confiance portée aux autres qu’un manque de confiance en soi. La délégation agit ici comme révélateur de ce que l’attitude managériale habituelle parvient à masquer. Et ce que l’on présente parfois avec une fausse coquetterie comme un défaut, le fameux « perfectionnisme », devient de la sur-exigence quand on le transfère à ses collaborateurs. Pour le pire. Car, ce que l’on communique en réalité, c’est le doute.

Cela n’est jamais dit. Cela ne colle pas à l’image du « bon » manager, celui qui « sait » en toutes circonstances. C’est pourtant ce que l’on comprend à demi-mots lors des séances d’accompagnement de managers en souffrance. C’est aussi ce que l’on constate lorsque l’on travaille avec des dirigeants sur leurs talents.

Parmi les 34 talents recensés par Gallup dans son test « strenghtsfinder », l’un concerne l’«assurance», que l’on peut définir comme la capacité à posséder une boussole interne qui indique quelles décisions sont les bonnes, et qui s’approche ainsi de ce que l’on peut appeler la confiance en soi. Pour avoir travaillé sur ce test avec des centaines de dirigeants, nous pouvons témoigner de la rareté de ce talent. Evidemment, ne peut pas posséder ce talent ne signifie pas que l’on manque de confiance en soi.

Mais, par défaut, cela indique que cette confiance ne va pas de soi, qu’elle s’apprend et que sa conquête est pour beaucoup d’entre nous un graal perpétuel. Pour les managers comme pour les autres. Pour les managers plus que pour les autres puisque leur position implique par définition le devoir de faire confiance à d’autres.

La question alors qui devrait être centrale pour tout manager : comment gagner en confiance en soi ? On connait quelques réponses : capitaliser sur ses succès, relativiser ses échecs, s’entourer dans la vie privée de personnes bienveillantes et, dans la vie professionnelle, comprendre que sa légitimité ne vient pas de sa compétence technique, mais de sa capacité à assumer son rôle (cf. « management et délégation : je t’aime, moi non plus !», mars 2018).

Et si, en s’inspirant de la psychologie positive, on s’essayait à traiter le symptôme pour mieux traiter la cause. A l’exemple du « ce n’est pas la joie qui donne le sourire, c’est le sourire qui donne la joie ».

Alors peut-être que faire confiance à ses collaborateurs permettrait de gagner en confiance en soi ? Entraînons-nous à fixer des objectifs les plus clairs possibles, à laisser une paix absolue pendant l’exécution et à contrôler le résultat.

Comme chacun le sait « la confiance n’exclut pas le contrôle ». Au contraire même, le contrôle (du résultat, non du process !) crée la confiance.

 

« Aie confiance, crois en moi » dit Kaa à Mowgli dans le livre de la jungle en l’hypnotisant avec des yeux agrandis en cercles concentriques. Un coach, animé de meilleures intentions, lui aurait dit : « aie confiance, crois en toi ».

 

Jacques BOURDONNAIS, décembre 2020
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